Francis Dupuis-Déri : « Il est sidérant d’entendre dire que les hommes ne peuvent plus draguer »

Des militantes féministes ont manifesté dans plusieurs villes de France (Paris, Rennes, Bordeaux…) contre la projection du film J’accuse de Roman Polanski. Est-ce que cette affaire Polanski, et la façon dont elle est commentée par certains, résonne avec les analyses de votre livre La crise de la masculinité, autopsie d’un mythe tenace ?

Francis Dupuis-Déri – Pas directement car cette affaire est vraiment spécifique. Mais il est certain que l’on a entendu à l’occasion de cette crise en France des relents de sous-discours qui relèvent en fait de la crise de la masculinité. Il s’agit de réactions qui ont tenté de délégitimer tout le mouvement Me Too. La conséquence de Me Too serait que les hommes sont victimes. Il est quand même assez paradoxal d’entendre ça, si on s’exprime poliment, face à ces milliers de voix de femmes parfois anonymes qui s’expriment pour dire : « Et bien voilà en fait j’ai été victime quand j’étais enfant, adolescente ou adulte d’hommes qui m’ont agressée ». Dans le cinéma américain et donc aussi désormais dans le cinéma français, pas du tout sous le couvert de l’anonymat cette fois, il y a ces femmes qui disent désormais : « J’ai été agressée ».

Une des réactions des hommes dénoncés mais aussi de leurs alliés – car c’est bien cela aussi qui est impressionnant, le nombre d’alliés qu’ils ont – c’est de manquer totalement d’empathie envers les femmes agressées. C’est un manque d’empathie et d’humanité sidérant que de prendre le parti de l’homme et aussi de prétendre que les hommes sont victimes. Sidérant d’entendre que le désir des hommes est condamné, criminalisé, que les hommes ne peuvent plus rien dire, ne peuvent plus draguer, sont persécutés sans pouvoir se défendre. Et cela, oui, c’est une des multiples déclinaisons du discours de la crise de la masculinité, les hommes souffriraient à cause des femmes et des féministes. Et il serait difficile d’être un homme.

[…]

Lire sur Les Inrockuptibles