[…] Je viens de refermer Le Livre d’Emma, l’extraordinaire roman de Marie-Célie Agnant. Autant annoncer d’emblée mes couleurs: j’ai été littéralement soufflé par le bouquin, tel un pathétique fétu de paille emporté par un ouragan sans pardon.
L’Emma du titre, c’est un intense bout de femme internée à l’asile psychiatrique au lendemain du meurtre de sa fille. Négresse à la peau si noire qu’on la dirait bleue, Emma vient de Grand Lagon, bled perdu d’une misérable moitié d’île tropicale qui pourrait être Haïti. Enfant unique née de père inconnu et de mère trop connue, comme on dit là-bas, elle a grandi entre le silence impénétrable de Fifie, cette maman qu’elle idolâtrait mais qui manifestement ne l’aimait pas, et les incessantes récriminations de sa tante Grazie. […] Voilà en bref les thèmes et la trame de ce roman. Loin de moi l’idée qu’un tel résumé puisse rendre justice à cette œuvre grandiose, à mi-chemin par la manière et le ton de Beloved, de Toni Morrison, et des Enfants du sabbat, d’Anne Hébert. […]