Recension | L’amère patrie

La politologue Diane Lamoureux, professeure au Département de sciences politiques de l’Université Laval, a déjà écrit plusieurs ouvrages sur les femmes et la citoyenneté.

Le sous-titre peut paraître insolite, la corrélation entre féminisme et nationalisme n’étant pas nécessairement flagrante. Diane Lamoureux analyse donc «la pertinence actuelle du projet souverainiste québécois à partir de deux entreprises critiques : celle de la philosophie politique, en examinant l’histoire des notions de souveraineté, de citoyenneté et de nation ; celle également du féminisme, comme théorie et comme pratique», et ce, en considérant la place des femmes dans le projet souverainiste pour comprendre «l’association polémique et pas toujours marquée de réciprocité entre féministes et nationalistes dans le Québec contemporain». Les indices de confluence seraient au nombre de trois : premièrement, une «volonté de détraditionalisation complète» ; deuxièmement, «un travail commun de construction de l’État providence national» ; troisièmement, «une convergence dans la politisation de l’identité».

La métaphore familiale, omniprésente dans le débat politique québécois, «renvoie à une conception genrée des rapports de forces nationaux […]. L’oppression se décline au féminin ( ) tandis que l’affirmation s’effectue au masculin», l’oppression mettant le Québec en posture féminine, celle de la femme battue qui souhaite le divorce, l’affirmation représentant la figure virile, celle du «Québec inc.» qui agrège performance et maîtrise.

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Compte-rendu | L’amère patrie

Depuis quelques années, dans la recherche féministe québécoise, l’intérêt pour la question des rapports entre le nationalisme et le féminisme occupe un espace privilégié. Déjà en 1999, Diane Lamoureux dirige avec Chantai Maillé et Micheline de Sève l’ouvrage Malaises identitaires. Échanges féministes autour d’un Québec incertain, un collectif fort intéressant portant justement sur les rapports entre citoyenneté et féminisme, entre nationalistes et féministes. L’amère patrie. Féminisme et nationalisme dans le Québec contemporain poursuit cette lancée à la fois théorique et historique et se propose d’analyser les questions liées à la souveraineté, à la citoyenneté et à la nation en rapport avec l’exclusion des femmes. Ces deux ouvrages s’inscrivent dans un courant novateur qui s’intéresse à la construction de la citoyenneté et de la représentation politique. L’originalité de ces travaux, notamment ceux de Diane Lamoureux, est de démontrer que la citoyenneté et la représentation politique s’avèrent des notions «genrée», plaçant souvent les féministes devant un dilemme cornélien difficile à résoudre. Ce tiraillement identitaire est explicite chez les féministes radicales québécoises du Front de libération des femmes du Québec (FLF) des années 70, alors qu’elles se posent la question : est-on d’abord femmes ou d’abord Québécoises ? Diane Lamoureux, politologue de renom et professeure à l’Université Laval, n’en est pas à ses premières tentatives. En effet, depuis plus de vingt ans, ces questions occupent une place centrale dans sa production intellectuelle. Ainsi, Lamoureux s’attache dans L’amère patrie à comprendre la nature des notions modernes qui fondent les sociétés occidentales actuelles, et qui excluent les femmes – et les féministes – des processus démocratique et identitaire. […]

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DIANE LAMOUREUX: FEMMES DE CHOC

Diane Lamoureux est prof au Département de sciences politiques de l’Université Laval, et auteure de plusieurs ouvrages sur les femmes et les notions de citoyenneté (Citoyennes? Femmes, droit de vote et démocratie, 1989) et d’identité (Malaises identitaires, 1999). Dans L’amère patrie, Lamoureux analyse les rapports entre le nationalisme et le féminisme ou, disons, plus généralement, les femmes. Si vous n’en voyez pas, dites-vous que si l’État providence n’avait jamais existé, il n’y aurait par exemple ni garderies, ni politiques sociales permettant aux femmes de s’épanouir autrement que dans la maternité.

Mais aujourd’hui, comme le monde entier, l’État québécois, mené par un parti soi-disant progressiste, a pris un virage néolibéral. «Chez nous, ce qui comptait avant tout, c’était la construction de l’État providence, explique Diane Lamoureux, jointe à Paris où elle séjourne actuellement. La priorité, c’était de se donner une bourgeoisie québécoise; et cela a porté fruit: vous avez les Bombardier, SNC Lavalin et tant d’autres qui en témoignent. Mais maintenant que cette tâche est accomplie, l’État providence est moins important. Or, pour les femmes, cela veut dire moins de politiques sociales et de leviers pour exercer leur liberté.»

Lamoureux, comme plusieurs féministes, n’est pas dupe. Si plusieurs d’entre elles ont été portées au pouvoir depuis 1995, c’était, comme le laissent entendre plusieurs commentatrices (voir autres textes en page xx), pour redonner une image à la politique. «Personnellement, dit Diane Lamoureux, je ne trouve pas que les femmes aient été si nombreuses que cela depuis 1995. Bien sûr, c’est mieux qu’avant, mais elles ont tout de même hérité de dossiers extrêmement lourds. Prenez Pauline Marois: elle a été placée à la Santé alors que le secteur était en situation de crise aiguë, avec un personnel (médecins, infirmières, employés de soutien) excédé, épuisé et en colère. De plus, je pense aussi que les femmes ont été le dernier recours des politiciens pour recruter du personnel: elles sont apparues comme un groupe de choix, comme une certaine relève pour le milieu politique.»

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