[…] L’écriture, c’est les cris, c’est une série d’entretiens dans lesquels Théoret et Bersianik revisitent une époque, discutent les origines et ramifications d’une œuvre savante, parfois étrange et tragi-comique, avec beaucoup de rires et de rebonds dans les idées. À 75 ans, Louky Bersianik reste une auteure qui dépasse. Au cours du premier entretien, elle nous parle de sa mère, Laurence Bissonnette, rebelle tranquille drainée par les grossesses en séries, qui écrivait des lettres aux religieuses pour négocier des frais d’inscription plus modiques et garder ses filles à l’école. Elle raconte aussi comment sa mère haïssait la chanson La destinée la rose au bois à cause des paroles «Mais c’est l’affair’ des filles de ballier la maison»: «Pour que les hommes arrivent quatre par quatre en tapant du talon. […] Elle était féministe, ma mère, par ses actes, par ses paroles, mais elle ne nous en a vraiment jamais parlé. C’est elle qui m’a inspirée.» En 1976, Lucile Durand se réinvente en Louky Bersianik pour écrire son premier vrai roman, son premier cri. Bersianik, une sonorité empreinte d’étrangeté. Louky, le surnom affectueux donné par son mari. Un nom qui éloigne et rapproche à la fois. Transformer pour révéler. Se métamorphoser pour résister – à l’image du Squonk (lacrimacorpus dissolvens), créature fantastique qui préfère se dissoudre dans ses larmes et retourner dans le cosmos plutôt que de subir la capture. Le Squonk, c’est aussi le titre d’une immense fresque bersianikienne inachevée et jusqu’à maintenant inédite. Il n’est pas question pour le Squonk de se noyer, mais bien de se dissoudre, insiste l’auteure. Évoqué à plusieurs reprises, le lacrimacorpus dissolvens hante les entretiens. «Et ce qui se dissolvait dans ses larmes, c’était moi. (Rires) […] J’avais tout un plan…» On a l’impression que Bersianik nous lègue une œuvre encore en vie, en croissance ou en mutation, une drôle de bête. […]
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livre: Louky Bersianik: L’écriture, c’est les cris
C’était en 1976 | compte rendu de Louky Bersianik: L’écriture, c’est les cris. Entretiens avec France Théoret
[…] Dans L’écriture, c’est les cris, France Théoret présente L’Euguélionne de Louky Bersianik comme véritable événement littéraire dans ce qu’elle appelle le contexte effervescent des débats sur la condition des femmes. «C’était en 1976», écrit-elle dès l’avant-propos, imposant d’emblée l’idée d’une trajectoire commune à Bersianik et, de manière plus délicate, celle d’une longue amitié. Théoret parle d’échanges, de regards synchroniques, mais aussi de désirs analogues fondés par une occupation féministe des temps. Considérant la vivacité de la poésie, mais aussi des essais de Théoret, il est difficile de ne pas sourire quand, sobrement, elle écrit à propos d’elle-même et de la grande révolutionnaire de la langue qu’a été Bersianik: «Nous avions le verbe contestataire.» […]
Plus…Louky Bersianik, la rebelle qui rit | Entretien avec France Théoret
Denise Boucher l’exprime si bien: «Louky Bersianik ouvrait les portes de la pensée avec splendeur». Comment dire à celles et ceux qui ne connaissent ni l’écrivaine ni son œuvre de courir s’y abreuver. Les Entretiens avec France Théoret paraissent une large entrée en la matière. Les académiciennes, les étudiants et les professeurs, les chercheuses et autres exégètes y découvriront de nombreuses pistes de réflexion et d’étude. […]
Plus…Compte-rendu | Louky Bersianik: L’écriture c’est les cris
Né en 2006, ce projet d’entretien avec Louky Bersianik (Lucille Durand) (1930-2011) avait d’abord pour objectif, selon France Théorêt, de souligner le 30e anniversaire de la publication du roman L’Euguélionne (1976), oeuvre phare de la littérature féministe au Québec, mais surtout d’aborder la féminisation du langage, question chère à Bersianik qui a joué un rôle de pionnière dans ce domaine. Comme les entreprises d’écriture de Bersianik, cet entretien s’est démultiplié et s’est échelonné dans le temps pour devenir une série de six entretiens organisés autour de thèmes spécifiques.
Malgré ces quelques redondances et ruptures dans le propos, cet ouvrage fournit un accès privilégié à cette écrivaine et à son oeuvre qui constitue une contribution majeure à la littérature et au féminisme québécois. Il rend également hommage à celle qui, comme l’Euguélionne, est née pour «répandre de l’encre sur la terre» et pour y inscrire la marque du féminin.
Lire Sur Recherches Féministes vol28(1)
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