Il n’est pas anodin qu’un livre féministe, publié en 2011, ne soit recensé que deux ans plus tard dans une revue de recherches féministes québécoise: les responsables de cette revue ont eu du mal à trouver une volontaire. L’objet même de cette anthologie, la parole des travailleuses du sexe, est sujet d’un débat qui divise le mouvement féministe depuis plus de deux décennies. Or, il ne s’agit pas d’une division comme il y en a tant au sein du féminisme depuis l’apparition de cette lutte sociale au XIXe siècle: la contraception, le suffrage, le salaire au travail ménager, les quotas en politique, l’équité salariale, etc. Il s’agit d’une division tout à la fois conceptuelle et idéologique: le travail de sexe est considéré soit comme un travail, soit comme une aliénation. Cette division est aussi structurelle: pour s’en tenir au Québec, le Conseil du statut de la femme s’oppose à la reconnaissance du travail du sexe tandis que la Fédération des femmes du Québec a choisi de présenter les deux positions et refuse encore de prendre parti. On trouve également deux organisations internationales opposées, la Coalition Against Traffic in Women (1991) et la Global Alliance against Traffic in Women (1994), qui proposent des statistiques contradictoires. Cette division est enfin dans un cul de sac: les deux camps ont beaucoup de peine à discuter, voire à se parler, s’accusent de faussetés et manifestent une incompréhension totale du discours de l’autre; les propos des deux camps sont le plus souvent indignés et le discours abolitionniste semble majoritaire. En 2005, les rédactrices du numéro anniversaire de La vie en rose, en faisaient le constat: «Putain de débat». (À relire de toute urgence, pp. 72-76). J’ai accepté de rédiger ce compte rendu parce que je n’appartiens à aucun camp et que je souhaite honnêtement tenter d’y voir plus clair.
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