[…] Les universitaires ne vivent pas dans une tour d’ivoire déconnectés de la réalité, ils savent que l’internet regorge de millions de sites pornographiques. Des esprits plus culottés que d’autres se sont alors engagés dans un projet fascinant et controversé: décortiquer les images et les films sexuellement explicites.
«Qu’on le veuille ou non, la pornographie existe, établit Julie Lavigne, historienne de l’art rattachée au département de sexologie de l’UQAM. Est-ce un sujet d’étude légitime? Ça fait partie de notre culture visuelle.» Elle estime qu’il faut se pencher sur la porno pour comprendre ce qu’elle transmet, comment elle opère et essayer d’en comprendre la structure narrative. «Même si on a l’impression qu’il n’y en a pas, glisse-t-elle en laissant échapper un rire, il y en a quand même une.»
Julie Lavigne s’est notamment penchée sur les codes de la pornographie pour prendre la mesure d’œuvres d’artistes et d’activistes féministes comme Pipilotti Rist et Annie Sprinkle. Ses recherches ont fait l’objet d’un essai touffu intitulé La traversée de la pornographie: Politique et érotisme dans l’art féministe, qui creuse notamment avec acuité les notions d’érotisme et de pornographie.
«Très souvent, la distinction entre érotisme et pornographie repose sur un jugement de valeur ou sur le type de sexualité représenté», observe-t-elle. Sans compter que ce qui est jugé pornographique change selon les lieux et les époques. Il lui fallait trouver une manière plus objective de faire la part des choses pour analyser les œuvres qu’elle avait choisies, puisque celles-ci travaillaient précisément sur la frontière entre ces deux univers et la rendaient «poreuse».