La fin des années 1960 a vu la naissance du mouvement de libération des femmes au Québec. En étudiant le Front de libération des femmes (FLF) et son successeur, le Centre des femmes, nous tenterons d’expliquer les paradigmes idéologiques changeants qui ont façonné la pensée politique des deux groupes. Le FLF et, à ses débuts, le Centre des femmes avaient pour rhétorique le discours de la «libération totale», croyant que l’émancipation des femmes était inextricablement liée à l’objectif de créer un Québec indépendant et socialiste. Cependant, au milieu des années 1970, le Centre des femmes en est venu à abandonner le nationalisme québécois et a commencé à voir dans l’émancipation de la classe ouvrière la condition nécessaire à la libération des femmes. Nous allons tenter de démontrer que le changement s’est produit en raison de la nature changeante du mouvement nationaliste comme du mouvement féministe. Alors que les femmes acquéraient de l’expérience dans l’action politique indépendante, le Parti québécois devenait de plus en plus influent au sein du mouvement nationaliste, et la valorisation de la famille nucléaire qu’on lui attribuait troublait profondément le FLF. Quand le débat sur le financement public de l’avortement est devenu fondamental pour le Centre des femmes, celui-ci a commencé à voir dans le nationalisme québécois un obstacle plutôt qu’un véhicule de la libération. Le Centre s’est dissocié du nationalisme, à l’instar d’une partie de la gauche du Québec, dans l’espoir de former un mouvement prolétaire.
[…] Les années postérieures à 1975 ont vu une prolifération et une diversification sans précédent des organismes féministes au Québec. Le FLF et le Centre des femmes ont donné à leurs héritières le courage de s’exprimer à la fois au sein du mouvement nationaliste et contre lui
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