Sorcières d’hier à aujourd’hui

Sorcières contemporaines

Quelque 500 ans plus tard, dans la froideur d’un janvier glacial, au Centre St-Pierre de Montréal, la résistance féministe s’organise de nouveau à l’ occasion d’une rencontre avec Federici et Louise Toupin: « Stratégies féministes contre le néolibéralisme ». Elles font un retour sur un mouvement important de femmes des années 1972-1977, le Collectif féministe international (CFI). Occulté des livres d’histoire féministe, il est réhabilité par Louise Toupin dans Le salaire au travail ménager.

Plus qu’une revendication pécuniaire, ce mouvement ancré dans le marxisme avait un fort potentiel subversif et proposait de miner le capitalisme en détruisant ce sur quoi il repose: la gratuité du travail ménager. En effet, la somme incroyable de travail fourni par les femmes aux autres, dont la reproduction, n’a jamais été reconnue comme production par les gouvernements. Toupin explique que la reconnaissance de ce travail invisible aurait créé des alliances entre femmes pour les fonctions remplies à l’extérieur comme à l’intérieur de la maison. Le mouvement promettait de mettre fin à la subordination des non-salariées aux salariés et d’oeuvrer ainsi à la destruction des rapports de domination patriarcale et capitaliste. Mais cette analyse a été «balayée sous le tapis» par le reste du mouvement féministe.

Federici renchérit : «Le féminisme en choisissant d’investir seulement le travail salarié extérieur s’est « domestiqué ».» Il a plongé dans le néolibéralisme, et les femmes ayant un travail extérieur salarié, dans des conditions souvent précaires, ont continué d’assumer le travail ménager non salarié. Les femmes se sont fait avoir en se moulant à un monde patriarcal et capitaliste plutôt qu’en faisant reconnaître leur travail ménager pour faire pencher la balance du pouvoir face aux gouvernements.

Paradoxe: Le travail de guerre, de destruction, est reconnu comme productif, tandis que le travail de vie, de reproduction, ne l’est toujours pas. L’auteure nous amène à comprendre que ce qui n’est pas salarié n’a ni valeur ni pouvoir: ce postulat sert d’assise à un système néolibéral qui exploite les inégalités sociales en les creusant toujours davantage. La résistance, dans ce contexte, se construit par la solidarité des mouvements, par l’organisation de communes! Les mouvements du type Occupy, en reproduisant la vie quotidienne dans un lieu extérieur, offrent un puissant potentiel de réappropriation du pouvoir collectif. Au Mexique, pendant les périodes d’austérité imposée par le gouvernement, les femmes se sont organisées en créant des cuisines collectives. La mise en commun des ressources leur a permis de mieux répondre aux besoins de leurs communautés et surtout, de vaincre la peur.

Dès lors, la résistance se prépare dans les cuisines, autour des antiques chaudrons des sorcières.

À nos balais, toutes!

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