Entrevue | Anne Archet, le sexe et la liberté

[…] Ne vous méprenez pas. Malgré ses polissonnes allures de livre que l’on ne tient qu’à une main, malgré cette admiration qu’entretient Anne Archet pour la contrepèterie et le calembour hérité des moralistes français des XVIIe et XVIIIe siècles, Amants n’est rien de moins qu’un authentique baril de TNT balancé dans la proprette vitrine de l’amour avec un grand ou un petit a. Il n’y a pas d’amour heureux, regrettait Louis Aragon, texte mythique camouflé subrepticement par Archet dans sa litanie de pénétrations — chacune des premières lettres des 741 prénoms d’Amants forme en acrostiche les cinq strophes du poème publié en 1946.

[Dominic Tardif] Vous n’aimez pas l’amour, Madame l’anarchiste?

[Anne Archet] «L’amour, ça vient toujours tout gâcher. La polysémie du verbe aimer est la source de bien des problèmes, note-t-elle dans une série de messages que nous nous permettons de colliger. J’aime que tu me frappes et je t’aime. Ensuite, on mangera de la poutine parce que j’aime ça comme une folle. Ce truc est une invention du XIIe siècle. Le fucking amour courtois de mes deux. L’amour est indéfinissable, insaisissable et impalpable. Pourtant, il faudrait que moi, qui m’identifie comme femme, je lui dédie mon existence. Que j’aime mon mari. Mes enfants. Ma patrie. Tu vois, c’est trois trucs différents qu’on m’a vendus sous le même emballage. Le sexe et l’attachement, ça, c’est du concret. Le désir de jouer. Le désir de créer des agencements. L’amour, c’est un autre nom pour la réification. On ne peut aimer que des objets. »

Petite pause. Puis apparaît à l’écran ce mot d’esprit encapsulant parfaitement le personnage, facétieux et insolent. «Je ne veux même pas m’aimer moi-même, d’un coup que je deviendrais une chose par mégarde.» […]

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