Il est difficile de ressortir indemne de la lecture de l’ouvrage intitulé Histoire de l’accouchement dans un Québec moderne. En choisissant d’accorder une place prépondérante aux expériences d’accouchement des femmes, l’auteure fait entendre les voix de celles qui mettent au monde les enfants parfois dans la joie et souvent dans la douleur et la perte de soi. La lecture de cet ouvrage permet également de mieux comprendre les ancrages des débats actuels autour de la médicalisation de l’accouchement. Elle révèle aussi que le processus de médicalisation de l’enfantement a donné lieu à bien des dérives, car un grand nombre de pratiques, en apparence «scientifiques», étaient loin de s’appuyer sur des données probantes. Pensons notamment à l’anesthésie générale qui a, d’une part, privé plusieurs femmes de la naissance de leurs enfants et, d’autre part, permis aux médecins de procéder à des interventions sur des femmes soumises et dociles, parce qu’elles étaient inconscientes. À la lecture de ces pages, les rapports de pouvoir entre les médecins, les membres du personnel infirmier, les sages-femmes et les femmes apparaissent encore plus clairement. Et la dépossession des femmes de leur accouchement ne s’en trouve que plus évidente.
L’ouvrage d’Andrée Rivard est rigoureux et bien documenté à l’aide de sources variées. On pourrait déplorer certes le peu de place qu’elle accorde au point de vue des médecins sur l’accouchement. Toutefois, ce choix s’avère tout à fait justifiable dans la mesure où, comme le dit Rivard, «l’histoire qui nous occupe, celle de la naissance, s’est réduite pendant longtemps à celle de l’obstétrique, donnant préséance au regard de l’acteur dominant, l’homme médecin, c’est-à-dire celui qui accouche ou qui donne aux sages-femmes le mode d’emploi pour bien accoucher leurs semblables» (p. 27). […]